Les effets de la décarbonation sur la rentabilité des bâtiments

27-septembre-2024

Le Fonds immobilier de solidarité FTQ et ses partenaires, le Groupe Devimco, Hydro-Québec et Énergir, lèvent le voile sur Générations 1,5 ̊C, un projet de recherche-action démontrant la pleine valeur financière du bâtiment durable à l’heure de la décarbonation de l’environnement bâti au Québec. Plus de 300 personnes issues des secteurs immobilier et financier ont assisté aujourd’hui à la présentation des résultats.

Initiée par le Fonds immobilier et pilotée par Akonovia, avec la collaboration de Vertima, pour les analyses de cycle de vie, et de BJC, pour la modélisation financière, cette étude a été réalisée sur des données complètes de la dernière année. Elle s’est articulée autour de la modélisation d’un bâtiment multirésidentiel – un actif du portefeuille du Fonds immobilier -, dont la construction avait requis en 2018 un investissement de quelque 60 millions de dollars.

L’étude a permis d’évaluer l’impact d’investissements additionnels en mesures durables sur la valeur d’un actif immobilier en utilisant par exemple, des systèmes électromécaniques plus performants, des systèmes énergétiques variés et des matériaux à bas carbone.

Un gain de 45 % 
Le constat est probant : un immeuble dont le design est le fruit de l’intégration de mesures durables peut capter un gain de valeur de 45 % à la 10e année suivant sa construction. Aux fins de l’exercice, le coût de construction du bâtiment de référence a été actualisé à 100 millions de dollars et sa durée de vie utile fixée à 60 ans.

Les mesures durables retenues pour améliorer sa performance énergétique et réduire son intensité carbone, tant sur le plan opérationnel qu’intrinsèque, ont généré un investissement additionnel de six millions de dollars (6 %).

« L’investissement additionnel consacré à l’optimisation de la performance environnementale de l’immeuble en vaut vraiment la chandelle, et d’autant plus en cette ère où les changements climatiques s’accentuent et que leur impact est appelé à se répercuter avec toujours plus d’acuité dans l’industrie immobilière. Nous avons démontré qu’il faut investir dans la durabilité d’un bâtiment, et dans sa résilience, non seulement physique, mais aussi financière pour réduire la pression sur les changements climatiques et profiter d’un gain de valeur voire éviter une perte de valeur », indique Serge Cormier, vice-président, ESG, création de valeur et immobilier durable du Fonds immobilier de solidarité FTQ.

L’heure n’est donc plus à savoir s’il faut réaliser des bâtiments dans une perspective résolument durable, mais bien d’agir sans plus tarder comme le prouve l’étude Générations 1,5 ̊C.

Citations
« L’étude démontre que les investissements supplémentaires initiaux que peut exiger la construction de bâtiment durable soient considérés. Il est plus que jamais important de réaliser des immeubles présentant des caractéristiques efficaces en matière de carbone opérationnel et de carbone intrinsèque. De plus, il est important de noter que les bâtiments durables peuvent aussi offrir une valeur supplémentaire au niveau de l’expérience client via la qualité des espaces et la qualité de l’air intérieur. »

Caroline Girard,
vice-présidente, Gestion immobilière chez Groupe Devimco

« Un constat important de l’étude est que les émissions de carbone liées à la consommation d’énergie ne sont qu’une partie de l’équation. Une vraie stratégie de décarbonation doit également tenir compte des émissions de carbone intrinsèques, soit celles liées par exemple à la production des composantes de l’édifice, qui représentent une part importante des GES d’un projet. En ce qui concerne le volet énergétique à proprement parler, le constat le plus important pour Hydro-Québec est qu’en mettant en œuvre des mesures en efficacité énergétique et en gestion de la demande de puissance, il est possible de décarboner presque complètement un bâtiment sans pour autant augmenter la demande en énergie ou en puissance électrique qui y sont liées. »

Éric Bernier,
directeur, Clientèle affaires et expertise énergétique chez Hydro-Québec

« Les bâtiments du futur devront miser sur des systèmes multiénergies renouvelables, contribuant non seulement à la résilience physique et financière du bâtiment, mais permettant aussi d’accélérer la décarbonation de toute l’économie. La redondance des systèmes permet d’assurer la continuité de services essentiels, comme le chauffage des espaces, en cas de panne, tandis que l’hybridation des solutions proposées dans le cadre du rapport offre une meilleure adaptabilité au contexte évolutif des tarifs d’énergie. Les configurations retenues dans le cadre du rapport de recherche démontrent la valeur ajoutée d’une complémentarité des systèmes électriques et gazeux renouvelables. »

Brigitte Samson,
directrice exécutive principale, Solutions énergétiques clients et service à la clientèle chez Énergir

« Depuis plusieurs années, le marché de l’efficacité énergétique considère uniquement la période de retour sur investissement des projets en visant une période de cinq ans. Dans la réalité d’aujourd’hui, il faudrait regarder plutôt le risque de ne pas investir alors que s’accentuent les bouleversements climatiques. Si nous regardons les différents risques, notamment l’obligation de réinvestir dans un bâtiment qui ne répondra plus aux exigences de marché, nous nous exposons à plusieurs risques avec une possibilité ou non de se matérialiser. »

Philippe Hudon,
président d’Akonovia

Les modélisations

  • Actualisation du coût de construction en 2023 = 100 M$ (60 M$ en 2018).
  • Investissement supplémentaire visant l’amélioration de la performance énergétique et la décarbonation (intrinsèque et opérationnelle) de 6 % = 6 M$.
  • Modélisations énergétiques.
  • Modélisations des émissions de gaz à effet de serre, incluant émissions fugitives des réfrigérants.
  • Analyse du cycle de vie des matériaux (carbone intrinsèque), visant principalement la structure. La durée de vie utile de l’actif a été fixée à 60 ans.
  • Sélection optimale des équipements et des sources d’énergie dans l’objectif de viser une transition énergétique juste et d’améliorer la résilience de l’actif. Deux concepts ont ainsi été analysés.
    • Usage principal et judicieux de l’électricité;
    • Usage de gaz naturel renouvelable en appoint ou en redondance;
    • Biénergie;
    • Thermo pompage;
    • Équipements électromécaniques permettant une flexibilité pleine et entière, ainsi que l’ajout de futures composantes selon la disponibilité de nouvelles sources d’énergie renouvelable;
    • Écrêtement des pointes (gestion de la puissance électrique).
  • Modélisations financières.

Les risques considérés
Certains risques pouvant affecter la valeur dans le temps ont été inventoriés lors des modélisations :

  • Diminution, hausse limitée ou stagnation des revenus locatifs dans le temps en comparaison avec la compétition ayant évolué au rythme des changements de codes et des exigences réglementaires
  • Inflation des coûts de l’énergie (électricité et gaz)
  • Prix du carbone (intrinsèque et opérationnel)
  • Incitatifs ou pénalités des banques sur les taux d’intérêts offerts
  • Variation des coûts d’assurance
  • Variation du taux de capitalisation à la sortie

Bâtiment-référence (existant) :

  • Flux à l’investisseur initial = 100 %
  • Flux à l’investisseur ajusté après une période de 7 ans = 85 % (perte de 15 %)
  • Flux à l’investisseur à la 10ième année à la suite d’une obligation de rénovation profonde (retrofit) à la 7e année due aux resserrements des exigences règlementaires = 20 % (perte de 80 %)

Bâtiment éco performant (ayant fait l’objet d’un investissement supplémentaire de 6 %) :

  • Flux à l’investisseur initial = 85% (dû à l’investissement supplémentaire)
  • Aucune rénovation (retrofit) requise
  • Flux à l’investisseur à la 10e année pour ce bâtiment mis à l’abri des principaux risques pouvant affecter sa valeur = 130 % (Gain de 45 %)

Définitions

Carbone opérationnel : Il s’agit des émissions de carbone générées par l’exploitation quotidienne d’un bâtiment. Cela inclut l’énergie utilisée pour le chauffage, la climatisation, l’éclairage et d’autres activités nécessaires au fonctionnement du bâtiment.

Carbone intrinsèque : Il fait référence aux émissions de gaz à effet de serre associées aux matériaux et aux processus de construction tout au long du cycle de vie d’un bâtiment. Cela comprend les émissions générées lors de l’extraction des matières premières, le transport, la fabrication, la construction, la démolition et l’élimination des matériaux. (Réf. CBDCA)

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