CSA 343 : Ce que tout électricien doit savoir sur la nouvelle norme sur les SGÉVÉ (systèmes de gestion d’énergie pour véhicules électriques)
5-septembre-2025
Par David Corbeil, PDG et cofondateur de RVE
C’est officiel : la nouvelle norme CSA C22.2 NO. 343 a été publiée par le Groupe CSA. Elle vient encadrer officiellement les systèmes de gestion d’énergie pour véhicules électriques (SGÉVÉ), afin de permettre d’effacer partiellement ou complètement l’ajout des appareillages de recharge pour véhicules électriques (ARVÉ) sur le calcul de charge de la section 8 du Code. Les maîtres électriciens y trouveront des balises claires pour assurer des installations conformes, sécuritaires et plus faciles à faire approuver en inspection.
C’est quoi CSA 343?
CSA 343 est une norme de performance pour les SGÉVÉ. Elle permet de certifier non seulement les composantes individuelles comme une borne de recharge ou un relais, mais l’ensemble du système assemblé, incluant la communication, les fonctions logicielles et la réaction en cas de défaillance. Son objectif : garantir que les systèmes de gestion de la recharge des véhicules électriques soient fiables, interopérables et sûrs pour les utilisateurs, les bâtiments et les réseaux électriques.

Un système de gestion de l’énergie des véhicules électriques surveille, analyse et contrôle la recharge des véhicules branchés.
Son équivalent américain est le Outline of investigation (OOI) UL 3141, une norme de performance qui vise les mêmes objectifs généraux. UL 3141 encadre la conception de systèmes de contrôle d’énergie (Power Control Systems) de manière globale, en exigeant des communications filaires robustes, une redondance locale, et une gestion fiable des scénarios de défaillance. Alors que CSA 343 s’applique spécifiquement aux véhicules électriques, UL 3141 est plus large dans son champ d’application, ce qui en fait une référence incontournable pour les manufacturiers qui veulent offrir des systèmes polyvalents, résilients et compatibles avec les attentes des AHJ (Authorities Having Jurisdiction) des deux côtés de la frontière.
Ces deux normes peuvent coexister : un même produit ou système peut viser la conformité aux deux standards, afin de couvrir tous les marchés et offrir un maximum de garanties aux installateurs, inspecteurs et utilisateurs finaux.
Systèmes pré-certifiés vs assemblés sur site
Les SGÉVÉ s’installent sous deux formes distinctes, chacune ayant ses implications réglementaires :
- Systèmes pré-certifiés: Il s’agit de produits « tout-en-un » testés et certifiés comme une unité complète unique.
- Systèmes assemblés sur site : Ces systèmes sont créés sur le lieu de l’installation en interconnectant plusieurs composants certifiés séparément.
| Quand tous les composants sans exception d’un système physiquement assemblé sur site sont certifiés ensemble sous une seule de ces normes système, l’autorité compétente peut l’approuver avec la même confiance qu’un système pré-certifié. | Mais si même un seul composant n’est pas inclus dans cet écosystème certifié, la garantie d’interopérabilité est brisée. L’installation redevient alors un système assemblé sur site traditionnel aux yeux de l’autorité compétente, nécessitant une évaluation plus rigoureuse, composant par composant. |
L’émergence de normes applicables à l’ensemble des systèmes, telles que CSA C22.2 NO. 343 et UL 3141, crée un pont essentiel entre ces deux formes. Lorsque tous les composants sans exception d’un système assemblé sur site sont certifiés ensemble selon cette norme unique, cela permet à l’autorité compétente de l’approuver avec la même confiance qu’un système pré-certifié.
Norme de sécurité vs norme de performance
Dans le domaine électrique, toutes les certifications ne se valent pas. Il est essentiel de distinguer les normes de sécurité des normes de performance, car elles ne protègent pas contre les mêmes risques et n’impliquent pas les mêmes responsabilités pour l’installateur.
- Une norme de sécurité (comme CSA C22.2 No. 280, UL 2231 ou toute autre certification « Listed » ou « Recognized ») concerne chaque équipement individuellement. Elle vise à s’assurer que le produit est sécuritaire : pas de risque de feu, de choc électrique, de court-circuit, etc. C’est une exigence de base. Aucun équipement électrique ne peut être installé légalement sans cette certification.
- Une norme de performance, comme CSA 343 ou le OOI UL 3141, va plus loin. Elle évalue le fonctionnement de l’ensemble du système dans des conditions réelles. Autrement dit, elle ne regarde pas seulement si chaque composante est sécuritaire seule, mais si elles interagissent de façon fiable et sécuritaire lorsqu’elles sont mises en réseau. Cela comprend les décisions logicielles, la communication entre équipements, la gestion dynamique de la charge, et surtout le comportement en cas de défaillance.
| Une norme de sécurité concerne chaque équipement individuellement. Elle vise à s’assurer que le produit est sécuritaire : pas de risque de feu, de choc électrique, de court-circuit, etc. | Une norme de performance évalue le fonctionnement de l’ensemble du système dans des conditions réelles. |
Un système peut être entièrement composé d’équipements sécuritaires… sans être performant ni conforme comme ensemble. Et dans ce cas, c’est l’électricien qui devra en répondre.
Pourquoi cette norme est-elle importante pour les électriciens?
La norme CSA 343 renforce d’abord la sécurité des installations en imposant des exigences claires sur l’interopérabilité, la réaction aux défaillances, et la gestion intelligente de la charge. Elle permet ainsi de s’assurer que les systèmes de recharge VÉ sont non seulement fonctionnels, mais aussi fiables et conformes aux règles les plus strictes du Code de l’électricité.
Cette norme joue aussi un rôle clé dans la répartition des responsabilités. Lorsqu’un produit est certifié CSA 343, l’autorité compétente peut accorder sa confiance sur la base de tests systémiques effectués par un organisme reconnu. En revanche, si un électricien installe un système composé de boîtiers et de composants non certifiés ensemble, c’est lui qui endosse la responsabilité du bon fonctionnement global. Il doit alors justifier, preuve à l’appui, que l’ensemble respecte toutes les exigences de performance et de sécurité. La certification système devient donc un outil de protection professionnelle pour l’installateur.
Les mesures de sécurité à retenir
La norme établit des exigences rigoureuses pour renforcer la sécurité électrique des installations de recharge. En voici cinq incontournables, illustrées avec une analogie sur le fonctionnement des ascenseurs.
1. Prévention des surcharges de circuits
Les SGÉVÉ doivent être capables de détecter et de corriger les surcharges potentielles ou réelles dans les circuits électriques. Un délai de réponse de moins de 5 secondes est imposé selon la configuration, garantissant une gestion rapide pour éviter les risques d’incendie ou de défaillances matérielles.
Imaginez un garde posté à l’entrée d’un ascenseur qui crie : « Trop de monde ! Vous n’êtes pas aussi légers que vous pensez ! » Les SGÉVÉ font la même chose : ils s’assurent que la capacité électrique ne dépasse jamais sa limite de charge, en délestant les véhicules électriques branchés afin de prévenir une surcharge.
2. État de défaillance prédéfini (“fail-safe state”)
Lorsqu’on parle de systèmes de gestion d’énergie pour VÉ, un aspect critique souvent méconnu est la manière dont le système réagit en cas de défaillance. Cette situation, appelée « état de sûreté intégré » (fail-safe state), a un impact direct sur le calcul de la charge totale du bâtiment.
Si, en cas de panne (perte de communication, bug logiciel, etc.), le système éteint complètement les bornes de recharge (fail-safe à 0 ampère), on peut entièrement exclure la charge des ARVÉ du calcul de charges. Mais si les bornes peuvent rester partiellement actives, même à faible puissance (fail-safe > 0A), il devient obligatoire d’ajouter 100 % de leur courant nominal au calcul des charges.
Lorsqu’un ascenseur tombe en panne, il se bloque entre deux étages pour éviter une chute libre. Les SGÉVÉ, eux, passent à un état de défaillance sûr, tel qu’une coupure d’alimentation complète ou une réduction de la charge à 0 ampère, pour éviter la non-conformité au code électrique en vigueur.
Si les panneaux intelligents et les dispositifs de surveillance et de délestage de la charge (DSDC) peuvent couper leur alimentation à 0 ampère, les bornes connectées, elles, vont généralement avoir un seuil minimal limité à 8 ampères.
Il est donc crucial de considérer le courant de sécurité en cas de défaillance du SGÉVÉ dans le dimensionnement de l’infrastructure électrique nécessaire à la recharge des véhicules électriques.
3. Surveillance et contrôle des charges en temps réel
Les systèmes doivent inclure des dispositifs de surveillance des courants pour suivre la consommation réelle des appareils connectés. Les dispositifs doivent mesurer la consommation en temps réel et doivent être situés à l’intérieur de l’immeuble (système d’exploitation) afin d’assurer les fonctionnalités de sécurité en tout temps.
C’est comme si un opérateur invisible vérifiait le poids dans l’ascenseur toutes les 5 secondes.
De la même manière, les SGÉVÉ surveillent les circuits en permanence, prêts à intervenir en moins de 5 secondes pour un délestage critique.
4. Résilience des systèmes de communication
Les SGÉVÉ doivent être conçus pour surveiller et gérer les interruptions de communication. Si une perte de signal survient, le système bascule automatiquement vers un état sécurisé, éliminant tout risque lié à une commande non exécutée.
Si les boutons d’un ascenseur ne répondent plus, un bon système appelle automatiquement le technicien. Pour les SGÉVÉ, si la communication entre les appareils est interrompue, ils passent à un état de défaillance sûr pour éviter une surcharge électrique.
Les ascenseurs ne font pas confiance au Wi-Fi pour sauver des vies. De la même façon, les SGÉVÉ ne font pas confiance au nuage (cloud) pour protéger l’infrastructure électrique.
5. Sécurité des composants physiques et des connexions
Les normes exigent des boîtiers de protection robustes pour les composants électriques, capables de résister aux impacts et à la chaleur. De plus, des mesures spécifiques, comme des tests de résistance aux flammes, garantissent que les matériaux utilisés ne posent pas de risques en cas de conditions anormales.
Tout comme un ascenseur est conçu pour résister au surpoids et aux coupures d’alimentation, les SGÉVÉ doivent être conçus dans des boîtiers ultra-résistants qui peuvent résister aux intempéries.
Comment reconnaître un système conforme?
Un système pré-certifié est testé en usine comme une unité unique, par exemple un panneau intelligent. Ce type d’approche assure que le système est reconnu comme sécuritaire et fiable dans son ensemble, car il est validé par un organisme reconnu selon des normes de performance. Par contraste, un système assemblé sur site est constitué de plusieurs dispositifs interconnectés, lesquels peuvent être certifiés individuellement, mais cela ne garantit pas que l’ensemble fonctionne de manière sécuritaire une fois combiné. C’est ici que réside l’enjeu majeur : un assemblage de composantes certifiées individuellement ne constitue pas un système certifié.
La certification des équipements est une exigence fondamentale. Chaque appareil électrique installé doit être approuvé par un organisme reconnu (CSA, UL, etc.), ce qui confirme qu’il respecte les normes de sécurité et de performance requises. Mais au-delà de ces certifications individuelles, la certification d’un système complet est souvent absente dans les SGÉ assemblés sur site. Cette lacune crée une zone grise en matière de responsabilité : l’électricien doit pouvoir démontrer que les composantes, une fois combinées, conservent un comportement sûr et conforme. Si une seule composante n’est pas certifiée dans l’écosystème, l’ensemble est considéré comme non conforme, et la responsabilité du bon fonctionnement repose entièrement sur l’installateur. Cela constitue un risque technique et juridique important que seule une certification système comme CSA 343 permet d’encadrer adéquatement.
CSA 343, un tournant pour la recharge intelligente et sécuritaire
La publication de la norme CSA C22.2 No. 343 marque une étape charnière dans la professionnalisation et la sécurisation des installations de recharge pour véhicules électriques. Elle offre aux maîtres électriciens un cadre de référence solide et concret, en passant d’une logique de composants à une logique de système. Cette évolution s’inscrit pleinement dans le contexte québécois, où l’électrification du résidentiel prend de l’ampleur et exige des installations plus complexes, mais aussi plus intelligentes.
Les SGÉVÉ doivent répondre à des exigences de rigueur et de fiabilité. La norme CSA 343 introduit des principes incontournables : détection rapide des surcharges, gestion sûre des défaillances (fail-safe), surveillance en temps réel, communications robustes et composants résistants. Ces balises techniques ne sont pas de simples recommandations — elles constituent une nouvelle base pour concevoir des infrastructures durables, sécuritaires et compatibles avec les attentes des inspecteurs.
Pour les électriciens, comprendre et intégrer CSA 343, c’est aussi reprendre le contrôle de leur responsabilité professionnelle : en installant un système pré-certifié, on évite de porter seul le fardeau de la conformité globale. À l’inverse, assembler sur site des composants certifiés individuellement mais non testés ensemble, c’est s’exposer à des zones grises techniques et juridiques.
CSA 343 devient l’outil-clé pour sécuriser les projets, faciliter les inspections et garantir que chaque installation de recharge résidentielle repose sur un système fiable et validé.
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