Le déversement de fils et câbles en aluminium en Amérique du Nord : répercussions sur l’industrie et appel à la protection de la fabrication nationale nord-américaine
6-octobre-2025
Par John Kerr
Le marché nord-américain des fils et câbles en aluminium est confronté à une menace critique due au dumping d’importations à des prix inférieurs aux coûts de revient, provenant principalement de Chine, du Vietnam et d’autres fournisseurs étrangers.
Cette pratique commerciale déloyale met en péril les fabricants nord-américains engagés, tels que Southwire, Nexans, Northern Cables, Electro Cables, Deca, Shawflex et Prysmian. Toutes ces grandes marques se sont engagées à desservir le marché canadien. Mais au-delà de la fabrication, l’ensemble de l’écosystème électrique, des distributeurs aux entrepreneurs en passant par les ingénieurs chargés des spécifications, sera exposé aux risques liés à l’érosion potentielle des normes industrielles et à la qualité inférieure des produits. De plus, les chaînes de distribution telles que Costco, qui vendent des fils offshore à bas prix, ajoutent à la complexité d’un marché déjà sous pression. Au Canada en particulier, le gouvernement est désormais mis au défi de réagir fermement en alignant ses droits de douane sur ceux des États-Unis afin de défendre l’industrie locale et de garantir la sécurité et la qualité.
Les fils et câbles en aluminium ne sont pas des produits de base. Ils font l’objet de processus de conception, de fabrication et de certification spécialisées qui varient en fonction des applications et des exigences de performance. Contrairement aux produits de base qui sont largement interchangeables, les fils et câbles en aluminium doivent répondre à des normes nord-américaines strictes, telles que celles de la CSA (Association canadienne de normalisation) et de l’UL (Underwriters Laboratories) afin de garantir la sécurité, la fiabilité et la durabilité pour les utilisations résidentielles, commerciales et industrielles.
Les fabricants nord-américains produisent des câbles en aluminium adaptés à des environnements et à des exigences électriques spécifiques, en utilisant des compositions de conducteurs précises et des matériaux d’isolation et de gainage avancés. Ces produits sont conçus pour résister à des conditions variables, telles que la corrosion, les températures extrêmes, les contraintes mécaniques et les exigences en matière de charge électrique, ce qui nécessite une expertise technique et un contrôle qualité bien au-delà de la simple production de matières premières. Et ils respectent toutes les mêmes règles et la même proposition de valeur.
De plus, les fils et câbles en aluminium sont souvent accompagnés de certifications qui garantissent leur conformité à des codes électriques et des normes de sécurité rigoureuses. Ce processus de certification implique des tests rigoureux pour vérifier les performances et la sécurité, ce qui fait de ces produits des éléments essentiels des systèmes électriques conçus sur mesure plutôt que des produits de base indifférenciés. Cette accréditation est si importante que certains fabricants étrangers prétendent s’y conformer alors qu’ils ne le font pas en réalité.
Dans cette discussion, nous ne devons en aucun cas ignorer la complexité et la différenciation en termes de qualité qui distinguent les fils et câbles en aluminium en tant que produits industriels spécialisés nécessitant une fabrication et des contrôles de la chaîne d’approvisionnement spécialisés, soulignant ainsi leur statut de produits non courants sur le marché.
Les importations de fils et câbles en aluminium ont été déversées en Amérique du Nord à des prix inférieurs à leur juste valeur marchande, et des preuves indiquent que des subventions gouvernementales ont exacerbé cette distorsion. La Commission du commerce international des États-Unis (ITC) a confirmé dans un réexamen au titre de l’expiration des mesures de 2025 que la suppression des droits antidumping et compensateurs sur les fils et câbles en aluminium en provenance de Chine causerait un préjudice continu à l’industrie américaine des câbles en aluminium. Cette décision, ainsi que les documents connexes, figurent dans le rapport public de l’ITC intitulé « Aluminum Wire and Cable from China » (Fils et câbles en aluminium en provenance de Chine) (n° d’inv. 701-TA-611 et 731-TA-1428 (réexamen), publication 5635 de l’ITC, juin 2025).
Ces droits, tels que détaillés dans la publication n° 5635 de l’ITC de juin 2025, varient actuellement entre environ 81 % et plus de 200 % sur certaines importations chinoises et ont été essentiels pour protéger les producteurs nationaux. Nous nous demandons pourquoi, dans le cadre de l’ACEUM, nous ne faisons pas de même au Canada en ce qui concerne les fils et câbles en aluminium.
Le vote unanime de l’ITC et les décisions du ministère du Commerce permettent à toutes les entreprises nord-américaines de concurrencer à armes égales les producteurs chinois de fils et câbles.
Les fabricants canadiens sont confrontés à des défis similaires et beaucoup d’entre nous dans l’industrie oublions également cet aspect important en ce qui concerne les inégalités environnementales et commerciales. Au Canada, les fabricants de fils et câbles en aluminium utilisent principalement l’énergie hydroélectrique, ce qui se traduit par une empreinte carbone nettement inférieure à celle des importations chinoises, qui sont principalement produites à partir d’électricité générée par le charbon. Si l’on tient compte des émissions supplémentaires liées au carburant utilisé pour le transport maritime, l’empreinte carbone des fils et des câbles en aluminium importés est au moins quatre à cinq fois supérieure à celle des produits fabriqués au pays.
Malgré cet avantage environnemental considérable, les fabricants canadiens continuent de supporter le fardeau des taxes sur le carbone tout en étant en concurrence avec des produits faisant l’objet d’un dumping qui ne sont soumis à aucun droit de douane ni à aucun coût lié au carbone. Dans ces circonstances, il semble évident que le Canada devrait adopter une position ferme en supprimant la taxe carbone sur les producteurs d’aluminium nationaux et en appliquant des droits appropriés sur les importations faisant l’objet d’un dumping. Cette approche permettrait non seulement d’uniformiser les règles du jeu sur le plan économique, mais aussi de renforcer l’engagement du Canada en faveur d’une production manufacturière durable sur le plan environnemental.
Si nous autorisons le dumping continu de fils et câbles en aluminium en Amérique du Nord, nous devrions évaluer les graves conséquences à long terme sur la capacité de production nationale nord-américaine.
Le déversement continu de fils et câbles en aluminium à des prix injustement bas a progressivement miné la rentabilité des fabricants nord-américains, mettant à rude épreuve leur capacité à moderniser leurs usines et à maintenir leurs activités. Alors que ces entreprises sont confrontées à une sous-cotation continue des prix, le risque de fermeture d’usines augmente, parallèlement à la réduction des capacités de production et à la perte d’expertise technique qualifiée. Cette érosion finit par réduire la base manufacturière nationale de l’Amérique du Nord, menaçant la viabilité à long terme du secteur.
Avec des marges bénéficiaires réduites, les fabricants voient leurs ressources consacrées à la recherche et au développement s’épuiser. Les investissements dans des pratiques de fabrication durables et l’adoption de technologies de pointe souffrent de la pression financière croissante. En conséquence, la capacité de l’industrie à s’adapter à l’évolution des exigences réglementaires, environnementales et du marché diminue, limitant son avantage concurrentiel et sa capacité d’innovation.
Cet affaiblissement de la base manufacturière nationale introduit d’importantes vulnérabilités dans la chaîne d’approvisionnement nord-américaine. Une plus grande dépendance à l’égard des fournisseurs étrangers accroît l’exposition aux perturbations de l’approvisionnement mondial, aux conflits commerciaux et aux risques géopolitiques. Une telle fragilité peut compromettre la disponibilité constante des matériaux essentiels au développement des infrastructures et aux projets à grande échelle, sapant ainsi la sécurité de l’approvisionnement.
Les répercussions économiques de la réduction des capacités de production dépassent le cadre des entreprises elles-mêmes. Les pertes d’emplois dans la fabrication métallique, l’assemblage de câbles et les industries connexes réduiront l’activité économique et épuiseront le bassin de main-d’œuvre qualifiée indispensable au maintien de l’écosystème de fabrication électrique. La perte de ces emplois limite les opportunités pour les travailleurs et affecte les économies régionales liées à la fabrication.
Sommes-nous prêts à accepter le risque d’une qualité inégale des produits et d’une augmentation des cas de non-conformité aux normes de sécurité nord-américaine strictes ? Les systèmes électriques qui dépendent de fils d’aluminium importés sont exposés à des problèmes potentiels de fiabilité et de sécurité, ce qui augmente les risques liés à leur installation et à leur fonctionnement. Il devient plus difficile de garantir la conformité et la qualité avec des chaînes d’approvisionnement fragmentées et internationales.
Enfin, le déclin à long terme d’une industrie nationale solide dans le domaine des fils et câbles en aluminium menace l’autonomie industrielle stratégique de l’Amérique du Nord. Sans une base manufacturière nationale solide, la capacité à soutenir des secteurs en plein essor, tels que les énergies renouvelables, les véhicules électriques et les réseaux intelligents s’en trouve affaiblie. Cette dépendance vis-à-vis des importations pourrait nuire à la capacité de la région à atteindre ses objectifs technologiques et environnementaux futurs.
Les effets en aval du dumping des fils d’aluminium, qui vont bien au-delà des fabricants, sont également très importants. Les distributeurs et grossistes en matériel électrique, contraints de proposer des produits à bas prix, peuvent être amenés à importer ou à stocker des fils d’aluminium offshore moins chers. Bien qu’attrayants à première vue, ces produits manquent souvent de qualité constante ou de certification, exposant les distributeurs à des risques en matière de fiabilité de l’approvisionnement et de responsabilité contractuelle. Dans de nombreux cas, ils sont contraints de surstocker, car la dépendance à l’égard de chaînes d’approvisionnement fiables augmente le coût réel global en raison d’une rotation plus faible des stocks.
Les entrepreneurs en électricité et le personnel d’entretien des usines sont confrontés à des risques accrus liés à l’utilisation de fils d’aluminium étrangers de qualité inférieure. Les câbles en aluminium, sensibles à l’oxydation et à la dilatation thermique, peuvent entraîner des défaillances de connexion et des risques d’incendie s’ils ne sont pas fabriqués et installés selon des normes strictes.
Les ingénieurs-conseils et les ingénieurs chargés des spécifications sont confrontés à une érosion de la confiance dans la cohérence des produits et le respect des certifications. La dilution et le contournement des normes de sécurité électrique canadiennes reconnut, tels que celles de la CSA, et des organismes de certification, comme UL, compliquent les spécifications techniques et augmentent la responsabilité. Lorsque les codes et les certifications sont laxistes ou inégaux, la sécurité des installations et la fiabilité des systèmes s’érodent.
Les fils d’aluminium importés contournent ou compromettent souvent l’application des codes et les normes de certification. Les certifications CSA et UL sont essentielles pour garantir la sécurité, la résistance au feu et la conductivité des produits, mais elles seront finalement remises en question lorsque les producteurs étrangers inonderont les marchés de produits dont la conformité est incohérente ou inconnue. L’émergence potentielle d’un paysage de produits à deux vitesses menace la sécurité des systèmes électriques dans les sites résidentiels, commerciaux et industriels. Elle compromet l’efficacité des inspections, augmente le risque d’incendies d’origine électrique et entraîne des conséquences opérationnelles graves.
Nous avons été surpris par l’entrée de Costco Canada sur le marché de la vente de fils à bas prix, même s’il s’agit dans ce cas de fils en cuivre, ce qui complique encore davantage la dynamique du marché. Bien qu’elles offrent des avantages aux consommateurs soucieux de leur budget, ces offres de détail ne font souvent pas l’objet des processus rigoureux de vérification et d’assurance qualité mis en place par les distributeurs électriques traditionnels. Cette pénétration des canaux de vente au détail crée une voie d’approvisionnement parallèle pour les câbles non certifiés ou de qualité inférieure, ce qui augmente les risques pour les installateurs et les utilisateurs finaux tout en sapant les chaînes d’approvisionnement professionnelles établies.
Le marché nord-américain des câbles en aluminium était évalué à environ 80 milliards de dollars canadiens, avec un taux de croissance bien supérieur aux prévisions du secteur pour les cinq prochaines années. Cette croissance est tirée par l’expansion des énergies renouvelables, les investissements dans les réseaux intelligents, l’électrification urbaine et les réglementations en matière d’efficacité énergétique.
Les États-Unis ont réagi en mettant en place des mécanismes de défense commerciale solides, imposant des droits antidumping et compensateurs élevés sur les importations de fils d’aluminium, afin de préserver des conditions de concurrence plus équitables pour les fabricants nationaux. Consultez la fiche d’information ICI. Le Canada, cependant, a tardé à adopter des mesures similaires, laissant les fabricants canadiens exposés à une concurrence déloyale. Il est temps que le Canada défende ses fabricants nationaux de fils et de câbles !
Une action gouvernementale forte visant à imposer des droits de douane similaires et à faire respecter les codes et certifications électriques canadiens est essentielle pour protéger les emplois, maintenir la sécurité et encourager la croissance durable de l’industrie. Ce n’est qu’en mettant en place des mesures de protection commerciale adaptées, en appliquant rigoureusement les codes et certifications et en soutenant l’innovation durable que le Canada pourra garantir une industrie des fils et câbles en aluminium résilient, sûr et compétitif. Et pendant qu’ils y sont, ils pourraient peut-être aussi se pencher sur le cuivre !
Le dumping de fils et câbles en aluminium en Amérique du Nord représente une menace évidente pour la viabilité de l’industrie nationale et la sécurité électrique. Les conséquences se répercutent sur la chaîne d’approvisionnement des distributeurs, les utilisateurs finaux et les entrepreneurs, ceux qui spécifient, les ingénieurs-conseils en électricité. Il est peut-être temps que nous nous penchions tous sur cette question et que nous nous unissions pour mettre l’accent sur l’Amérique du Nord.





