Isabelle Lessard, ingénieure responsable de l’éclairage urbain à Montréal – Une passion qui a su faire fi de beaucoup de préjugés

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lessard_400.jpg8 octobre 2018

Le titre est un peu long, mais il permet d’avoir une idée immédiate de celle qui est derrière la rénovation et la gestion de l’éclairage intelligent à la ville de Montréal, un projet qui reçoit prix et nominations depuis sa mise en service et qui fait école[1]. La Ville de Montréal convertira plus de 134 000 lampadaires au DEL et implante également un système intelligent de gestion de l’éclairage. Derrière cette révolution, une jeune ingénieure, Isabelle Lessard. Voyez son parcours, les défis qu’elle a relevés et comment elle perçoit l’avenir de l’éclairage urbain.

Ingénieure électrique, diplômée de l’École de Technologie Supérieure (ETS), c’est par hasard qu’Isabelle Lessard fait carrière dans l’éclairage. « J’aimais les sciences, je lorgnais du côté de l’astronomie et je suis tombée sur un projet de maison intelligente à l’Institut Teccart. C’est à ce moment que je me suis tournée vers l’électronique, puis à l’ETS, en génie électrique. Dès la fin de mes études j’ai été embauchée chez Nortel, qui, on le sait, a fait une retentissante faillite un an après mon arrivée. Nous étions alors des milliers d’ingénieurs à la recherche d’un emploi. La Ville de Montréal cherchait une spécialiste en circulation. J’ai été affectée aux feux de circulation et aménagement de rues, ce qui incluait électricité et éclairage. Les mises à la retraite et réaffectations des ressources humaines ont fait qu’en 2005, j’étais devenue à la Ville de Montréal la seule professionnelle en éclairage. »

Il pourrait sembler difficile de naviguer dans une administration publique entre objectifs politiques et administratifs, mais Isabelle nous dit « j’ai eu des opportunités et des patrons qui me faisaient totalement confiance et qui m’ont offert la liberté et la latitude nécessaires dans mon travail. J’ai proposé le projet de conversion de l’éclairage en 2010 et mon employeur m’a laissé carte blanche. »

Des défis à la hauteur de sa passion pour l’éclairage l’attendaient dans ce projet de conversion de l’éclairage de rue à DEL et d’éclairage intelligent, certains spécifiques à une administration publique : études approfondies des meilleures pratiques, projets pilotes, étude de faisabilité, présenter un projet de 100 $ millions aux dirigeants municipaux. « Le projet a démarré en 2015 avec un appel d’offre pour le système d’éclairage intelligent. Notre étude de faisabilité était à 4000 degrés Kelvin et c’est à ce moment que la controverse sur la lumière bleue et la santé a fait les manchettes et suscité la controverse. L’avis de Direction de la santé publique a retardé et l’administration municipale a décidé d’aller vers le 3000 K. » L’appel d’offres pour les luminaires a été lancé en 2017 et les premières installations ont été faites à l’automne. Le système intelligent était développé en parallèle » Nous avons été audacieux dans le système choisi. Nous avons fait un pari qui s’est avéré gagnant. Pour moi, il était impensable que la Ville s’attache à un fabricant unique pour les 20 prochaines années. Nous avions besoin de plus que des promesses d’interopérabilité pour contrôler 135 000 luminaires. Nous avons attiré le marché dans notre vision et demandé l’interopérabilité prouvée de 3 fabricants. Le marché a répondu aux besoins de la Ville. Nous avons gagné notre pari et c’est maintenant un modèle qui peut être reproduit par d’autres villes. C’est une première mondiale. »

Vers où se dirige la ville intelligente?

Les villes ont besoin d’une infrastructure robuste pour permettre le passage de tous les types de données, caméras, détecteurs de mouvement. Il y aura cohabitation de fibre, radiofréquences, sans fils, les plateformes sont s’entrecouper. Le mobilier urbain d’éclairage devra également évoluer. Un de nos défis actuellement est de conserver l’esthétisme d’un lampadaire tout en lui greffant les multiples capteurs et systèmes nécessaires pour répondre à tous les services et besoins de la ville. Le jour le lampadaire est un élément architectural et le soir il assure des fonctions d’éclairage et de sécurité. Nous devons y intégrer l’intelligence et répondre aux besoins de tous les services de la ville tout en gardant en tête que Montréal est une ville Unesco de design.

Un autre défi est de tenir les gens informés. « Différents titres sensationnalistes sur la lumière bleue ont créé des sentiments d’insécurité chez les citoyens. Il faut apprendre aux gens que notre façon de concevoir l’éclairage avec la technologie Del est plus efficace, que nous avons besoin de moins de lumière pour le même éclairage, 100 % de la lumière est dirigée là où on le désire. Les normes et recommandations sont en retard sur la technologie, il faut revoir les études photométriques!

« Les systèmes de contrôle d’éclairage vont s’imposer partout, c’est juste une question de temps et les systèmes devront être adaptatifs. L’infrastructure que nous mettons en place aujourd’hui servira à d’autres services.

Isabelle a combattu des préjugés sur les administrations publiques, la santé publique, l’esthétisme marié à l’intelligence, interopérabilité garantie des systèmes. Qu’en est-il d’être une femme dans son milieu? Le plus grand défi a été de graduer à l’ÉTS. Les femmes étaient très peu nombreuses. Devant nous, il y a un monde d’hommes, mais dans la nouvelle génération il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes. L’éclairage, ça ne s’apprend pas à l’école, c’est un métier nouveau que nous apprenons ensemble en y investissement du temps, de l’énergie et une grande dose de passion!

[1]Dont le Smart City Award pour son projet de contrôle intelligent

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