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Agents de changement : Karen Jensen sur les préjugés inconscients, la redéfinition du succès et l’équité salariale 

22 novembre 2022 

Blake Marchand 

La conférencière principale de la deuxième journée du programme Agents de changement de RHIEC était Karen Jensen, commissaire fédérale à l’égalité des salaires, Commission canadienne des droits de la personne. Mme Jensen a parlé de l’élaboration de structures d’équité salariale, de la redéfinition de la réussite des personnes ayant un handicap ou des problèmes de santé mentale, ainsi que de la lutte contre les préjugés inconscients. Elle a également abordé la Loi fédérale sur l’équité salariale et le soutien à l’équité salariale et à la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI), grâce à une intervention structurée, en évaluant objectivement les structures salariales.  

La façon dont vous dépensez votre argent et dont vous récompensez vos employés est révélatrice des valeurs de votre entreprise. Dans le cadre de la Loi fédérale sur l’équité salariale, les employeurs assujettis à la législation fédérale disposent de trois ans pour effectuer une analyse et un redressement de l’équité salariale, qui doivent être mis en œuvre d’ici juin 2024. Cependant, tous les employeurs ne sont pas régis par le gouvernement fédéral, et Mme Jensen a souligné l’importance de mettre en place ce type de structures au niveau provincial également. 

Les emplois doivent être évalués en fonction des compétences, des efforts, des responsabilités et des conditions de travail requises pour le poste, et rémunérés de manière égale en fonction de ces évaluations.  

Mme Jensen a déclaré : « Que vous pensiez ou non avoir un problème d’équité salariale, les employeurs sont tenus d’effectuer une analyse complète. » 

« L’initiative DEI va coûter de l’argent. Nous devrons faire les choses différemment », a indiqué Mme Jensen, en précisant que nous devrons également définir le succès différemment. Si nous voulons aborder sérieusement la DEI et l’équité salariale, nous devons changer le paradigme/le statu quo et redéfinir nos structures. Par exemple, nous devons nous adapter aux personnes qui ne cadrent pas avec le modèle de 9h à 17h. Notre société est assez rigide par rapport à ce modèle. Cependant, lorsqu’il s’agit de santé mentale et de personnes en situation de handicap, ces structures peuvent être contre-intuitives. Malgré notre dépendance à ce type d’horaire de travail, il n’en reste pas moins que l’adoption de modèles différents est susceptible de favoriser la productivité et la réussite de certaines personnes.  

Comme l’a mentionné Mme Jensen, il incombe aux employeurs d’accepter certains des coûts supplémentaires qui découlent d’un engagement complet en faveur d’un lieu de travail diversifié, inclusif et équitable. 

Pendant la période de questions de son discours, un membre de l’auditoire a posé une question sur le « modèle 9 à 5 ».   

« Si nous prenons au sérieux la diversité et l’inclusion, à tous les échelons hiérarchiques, nous devons dire que nous allons changer le statu quo », a répondu Mme Jensen. « C’est ce que la Cour suprême nous a indiqué dans un certain nombre de décisions qu’elle a rendues sur le sujet de l’inclusion et des personnes vivant avec un handicap. » 

Mme Jensen a précisé son point de vue sur la Cour suprême : « Donc, si une personne peut seulement travailler à temps partiel, et que l’équipe de direction affirme que cela signifie qu’elle rapporte seulement la moitié des revenus, ‘mais nous payons le montant total, donc nous n’obtenons pas notre part de rentabilité’. Dans ce cas, la Cour suprême affirme essentiellement qu’à moins qu’il n’en résulte un préjudice injustifié pour votre entreprise (ce qui veut dire essentiellement que vous ferez faillite), vous devez absorber ce coût. » 

« Il est incroyable de voir combien d’entreprises sont confrontées à ce concept selon lequel la diversité et l’inclusion entraîneront des coûts supplémentaires, et cela signifie que nous devrons faire les choses différemment, et que nous devrons définir le succès différemment. » 

Les personnes qui ne réussissent pas dans un « modèle 9 à 5 » peuvent néanmoins être des employés productifs et précieux dans le cadre de structures différentes adaptées à leurs besoins comme employés. 

Mme Jensen a reconnu qu’il est difficile de réaliser ce type de changement culturel, « mais c’est indispensable si nous voulons vraiment prendre au sérieux l’inclusion des personnes présentant des profils différents. » 

Mme Jensen a évoqué le sous-emploi des personnes en situation de handicap à titre d’exemple : « Le sous-emploi ou le chômage des personnes handicapées qui sont tout à fait en mesure de contribuer au lieu de travail est catastrophique. Elles sont capables d’apporter leur contribution, mais comme vous (le membre de l’auditoire qui a posé la question sur le « modèle 9 à 5 ») le dites, les conditions peuvent être différentes. Il peut s’agir de temps partiel, de télétravail, de manières très différentes de celles qui sont traditionnellement acceptées. » 

Selon Mme Jensen, il est important de fournir un milieu où les personnes ayant diverses formes d’incapacité peuvent être productives. Il s’agit notamment de reconnaître leur douleur et leurs difficultés et de les aider à les surmonter, mais également de leur offrir un encadrement. « Mettre au défi, encadrer et encourager une personne handicapée à aller de l’avant et à être moins intimidée. »  

Vous pouvez également intégrer des indicateurs de rendement clés dans vos mesures de rendement. Vous pouvez accorder des primes aux personnes qui passent plus de temps à encadrer des personnes et moins de temps à être traditionnellement productives. La prime permet de dire : « Nous le reconnaissons, nous savons que vous passez plus de temps à promouvoir la diversité et nous voulons le souligner », explique Mme Jensen. 

« L’une des bases de l’équité salariale repose sur le fait que l’argent en dit long sur la façon dont vous appréciez le travail des gens. » 

Un autre élément clé du changement de culture d’entreprise est l’utilisation de l’intuition dans l’écoute des membres de votre équipe et la reconnaissance des façons subtiles dont ils sont touchés par le racisme ou la discrimination, par exemple. 

Mme Jensen a donné l’exemple d’une personne autochtone avec laquelle elle travaillait et qui avait déjà été victime de formes subtiles de racisme, connues sous le nom de microagressions. 

« Lorsque des commentaires étaient faits, elle réagissait assez vivement, et les gens commençaient à se sentir mal à l’aise en sa présence, et elle était exclue des événements sociaux après le travail, car les gens avaient peur de l’offenser et de la rendre malheureuse. Le climat s’est alors dégradé. Lorsque je faisais partie de ce lieu de travail, je n’avais pas un rôle de direction. J’ai eu beau essayer de tendre la main à cette personne et de l’inclure, mais les autres membres de l’entreprise n’ont quasiment rien fait pour soutenir cet effort, et cette personne a fini par quitter. » 

« La pensée collective à ce sujet était ‘je suppose que c’est comme ça, les personnes susceptibles ne peuvent pas évoluer dans ce milieu’. Or, je pense que si on y réfléchit, le dicton ‘marcher un kilomètre dans les mocassins de quelqu’un d’autre’ est vraiment important dans ce contexte. » 

« Prenons le cas d’une personne autochtone qui s’est souvent fait interroger sur sa consommation d’alcool, sur sa timidité et son calme pour s’adapter à ce type de milieu professionnel. Des commentaires de ce genre se cumulent et peuvent véritablement faire émerger un type de personne différent dans le milieu de travail. » 

Mme Jensen a également fait remarquer que les membres de l’équipe doivent recevoir une formation pour reconnaître ce type de circonstances, afin de mieux identifier ce qui se passe lorsque les membres de l’équipe ont des difficultés plus subtiles et de comprendre comment y remédier. 

Mme Jensen a donné l’exemple d’une entreprise qui a fait appel à un psychiatre légiste pour former ses employés à travailler avec un collègue autiste. Cependant, le formateur a complètement échoué dans sa tentative d’aborder les problèmes auxquels le lieu de travail était confronté. 

« Dans cette situation, il aurait été préférable de parler avec la personne autiste », a déclaré Mme Jensen, en lui demandant si elle tirerait profit d’une formation ou si elle pouvait faire appel à un collaborateur pour l’aider à comprendre les défis à relever. 

« Il est très important d’en parler, de communiquer à ce sujet et de prêter attention aux indices subtils de l’environnement. »  

« En examinant la structure des salaires et en l’analysant pour s’assurer qu’il n’existe pas de différences de rémunération liées à des caractéristiques non pertinentes telles que le sexe, la race ou autres, vous montrez que vous êtes vraiment sérieux. Vous êtes sérieux et prêt à investir dans cette démarche et à procéder aux ajustements nécessaires pour vous assurer que votre structure salariale n’a pas fait l’objet d’un préjugé involontaire. » 

L’équité salariale joue un rôle majeur dans la culture d’entreprise, car elle crée le précédent structurel selon lequel l’équité est importante pour l’employeur. Comme le stipule Mme Jensen, ces préjugés sont souvent involontaires. En mettant en place des structures d’entreprise telles que l’équité salariale, vous ajoutez une mesure empirique qui protège contre les préjugés inconscients et vous communiquez très clairement ce que votre entreprise ou organisme considère comme étant important. 

Loi fédérale sur l’équité salariale 

La Loi fédérale sur l’équité salariale visait à améliorer les modèles de l’Ontario et du Québec, mais elle a mis en place un calendrier. Les employeurs ont trois ans pour réaliser une analyse/un cadre d’équité salariale. 

Mme Jensen a parlé de la nécessité d’ajouter du mordant pour exiger la mise en œuvre de politiques d’équité salariale. La Loi fédérale le prévoit, mais elle s’applique uniquement aux employeurs assujettis à la législation fédérale. Mme Jensen a souligné l’importance pour les provinces d’adopter des modèles similaires qui incluent des mandats et des délais permettant d’encourager les employeurs à compléter et à mettre en œuvre des cadres d’équité salariale. Il est important que les entreprises mettent en place des modèles structurés qui déterminent les conditions d’embauche, de promotion et d’augmentation de salaire au mérite. 

Le prochain article de cette série portera sur la table ronde des agents de changement intitulée « Combler le fossé entre la parole et l’action », à laquelle ont participé Carol Calvert, vice-présidente, Personnes et culture, Electrical Safety Authority; Carol Dayment, conseillère principale, Diversité, équité et inclusion, Nova Scotia Power; et Dan Quigley, arbitre fédéral, et qui était animée par Humberto Carolo, directeur exécutif de la Campagne du ruban blanc. 

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